Lors de l’ouverture de l’édition 2024 du Mobile World Congress de Barcelone ce 26 février, Thierry Breton est venu défendre l’initiative de la Commission européenne sur la résilience des infrastructures numériques. Dans un discours scolaire en trois parties, les câbles sous-marins sont apparus en dernier, dans la section consacrée à …
Lors de l’ouverture de l’édition 2024 du Mobile World Congress de Barcelone ce 26 février, Thierry Breton est venu défendre l’initiative de la Commission européenne sur la résilience des infrastructures numériques. Dans un discours scolaire en trois parties, les câbles sous-marins sont apparus en dernier, dans la section consacrée à la sécurité. Le commissaire au Marché intérieur y a parlé « de l’urgence de sécuriser les câbles sous-marins ».
Les câbles sous-marins sont beaucoup plus exposés à des accidents qu’à des sabotages, mais le risque existe
En octobre 2023, le câble sous-marin reliant l’Estonie et la Suède est endommagé en même temps qu’un gazoduc. Un navire chinois traînant dans les parages est très vite soupçonné. Plusieurs médias citent cet événement comme à l’origine de la demande du Conseil de l’UE ayant abouti à une liste de recommandations sur la sécurité des câbles sous-marins publiée le 21 février.
« En réalité, depuis 2020 plusieurs récits d’incidents sur des infrastructures en mer Baltique et mer du Nord sont à l’origine de cette attention récente de l’UE pour les câbles » analyse Camille Morel, chercheuse associée à l’Institut d’études de stratégie et de défense, spécialiste de la géopolitique des câbles sous-marins. La Commission elle-même évoque « l’impact significatif sur la sensibilisation à la sécurité des réseaux de communication » de l’invasion de l’Ukraine par la Russie il y a deux ans.
Les câbles sous-marins sont bien plus souvent victimes des aléas naturels ou des accidents (un cadre d’Orange avait raconté à Siècle Digital comment il y a quelques années l’ancre d’un cargo avait rompu deux câbles en Méditerranée, coupant 70 % du trafic internet de l’Inde) que d’un acte volontaire. Toutefois, les risques de sabotages s’accroissent.
Camille Morel rapporte une « tendance vers la militarisation des fonds marins avec une recrudescence des capacités militaires, l’amélioration des connaissances, de la cartographie, et le développement de technologies capables d’agir dans les profondeurs ». La Commission européenne parle dans son document de « menaces clefs » sur des infrastructures vitales pour l’Europe : 99 % des données échangées dans le monde circulent par ces tuyaux.
Face à l’enjeu, la réaction de la Commission européenne semble de prime abord timide. Cartographier et évaluer les infrastructures dans leur ensemble, sous-marines comme terrestres, améliorer l’échange d’information entre États membres et avec Bruxelles, relever les risques de vulnérabilités… « Les câbles sous-marins sont des infrastructures de Télécoms et sont protégés et prises en compte à ce titre par l’UE et les États membres. Néanmoins les administrations manquent de connaissances sur les câbles, car ils sont gérés par des acteurs privés ».
L’initiative de la Commission européenne ? C’est déjà ça…
L’offensive de la Russie contre l’Ukraine, a aussi mis en exergue des dépendances des pays de l’UE dans certains domaines. Les États sont encouragés à évaluer ces dépendances et y remédier dans le domaine des câbles sous-marins. Dans un secteur largement privatisé, les pays sont encouragés à participer au financement des infrastructures, d’accélérer la planification, l’acquisition, la construction, l’exploitation, la maintenance et la réparation des câbles.
La France est plutôt bien dotée dans le secteur avec deux acteurs bien positionnés sur le marché, Alcatel Submarine Networks, propriété de Nokia et Orange Marine. Cela reste des acteurs privés et l’UE manque d’autonomie sur la pose et la réparation des câbles à l’échelle régionale.
La marge de la Commission pour agir et inciter à agir est juridiquement limitée : les questions de sécurité et de souveraineté sont des prérogatives des États membres. Par exemple, la Bruxelles ne peut que suggérer aux gouvernements d’accorder aux câbles sous-marins le « statut d’importance nationale le plus élevé possible ».
Il s’agit tout de même d’un premier pas estime Camille Morel, autrice du livre Les câbles sous-marins. Les recommandations publiées démontrent que les infrastructures dans leur ensemble sont bien prises en compte. Bruxelles doit mettre en place un groupe d’expert chargé du suivi du dossier, qui cherchera une certaine harmonisation et facilitera les communications entre pays et alliés. Un bilan doit être tiré fin 2025.
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