Dans le bras de fer opposant les États-Unis à la Chine, le premier perdant semble être la Corée du Sud. Privées des ingénieurs américaines, les entreprises chinoises ont de plus …
Dans le bras de fer opposant les États-Unis à la Chine, le premier perdant semble être la Corée du Sud. Privées des ingénieurs américaines, les entreprises chinoises ont de plus en plus tendance à débaucher les ingénieurs sud-coréens. Séoul montre aujourd’hui les crocs. Une base de données pour suivre les déplacements des personnes spécialisées dans les semi-conducteurs à l’intérieur et l’extérieur du pays est en cours de construction.
Un bassin de talents à portée de main des entreprises chinoises
De nombreux géants sud-coréens de l’industrie des puces électroniques, comme Samsung ou SK Hynix, se sont établis au sein de l’Empire du Milieu. La Chine représente un marché clé pour les deux sociétés. Depuis le renforcement des restrictions américaines à l’égard de la Chine, la Corée du Sud se retrouve prise en étau, bénéficiant d’un sursis pour s’adapter aux nouvelles normes américaines d’exportation.
La présence de ces mastodontes sur le territoire chinois constitue un vivier de talents de choix pour les entreprises chinoises concurrentes : elles n’ont qu’à attendre devant leurs sièges sociaux pour démarcher de nouveaux employés. « Je me rends simplement devant les usines de fabrication d’entreprises étrangères et je me tiens à l’entrée, leur demandant de venir sur nos propres lignes de production pour effectuer un travail temporaire et gagner un peu d’argent supplémentaire », a confié un dirigeant chinois du secteur des semi-conducteurs au Financial Times.
Si ce genre de pratiques sont de plus en plus répandues, c’est pour compenser les sanctions de Washington. Selon Yeo Han-Koo, ancien ministre du Commerce de la Corée du Sud jusqu’en mai 2021, « le renforcement des contrôles américains sur la Chine a conduit les entreprises chinoises à intensifier leur offensive de charme à l’égard des ingénieurs et des chercheurs coréens, en recourant à des moyens tant légaux qu’illégaux ».
Un chasseur de têtes pour les fonderies chinoises a confirmé au média économique britannique qu’« en raison des nouvelles sanctions imposées par les États-Unis, il est devenu très difficile de recruter des personnes qui ont été formées ou employées aux États-Unis ». Les employeurs se tournent alors vers la main-d’œuvre provenant d’Europe, du Japon et de Corée du Sud.
Vers une surveillance accrue des ingénieurs sud-coréens
Selon le National Intelligence Service (NIS), l’agence de renseignement de la Corée du Sud, la quantité de « fuites de technologies nationales » a considérablement augmenté, passant de trois cas en 2017 à dix en 2021. Au cours du premier trimestre 2023, ce nombre serait déjà de trois, provenant du secteur des semi-conducteurs, de l’automobile et de l’affichage publicitaire.
Afin de freiner les dérives, Séoul a commencé à développer une base de données des ingénieurs de puces travaillant pour des sociétés sud-coréennes afin de surveiller leurs allées et venues. Le gouvernement a également introduit de nouvelles institutions d’enquête et adopté une législation pour durcir les sanctions et faciliter la dénonciation. Des mesures qui se sont montrées efficaces, entraînant deux fois plus d’arrestations au cours des trois derniers mois par rapport à l’année précédente.
Pour autant, Hong Seok-joon, législateur du People Power party, le parti conservateur au pouvoir, alerte sur le faible taux de condamnation. « Le nombre de fuites technologiques augmente, mais les sanctions à l’encontre des auteurs restent faibles et nous manquons encore de mesure de prévention », a-t-il souligné, « seulement 6 % des personnes accusées [en Corée du Sud] sont condamnées parce qu’il est très difficile de le prouver ». Il est notamment compliqué de déterminer si le recrutement s’est fait de manière illégale.
Avec de telles dispositions, le gouvernement sud-coréen espère pouvoir reprendre le contrôle sur ses talents. Toutefois, les salaires trois voire quatre fois plus élevés proposés par les concurrents chinois pourraient continuer à mettre en déroute leur souveraineté dans l’expertise du secteur des semi-conducteurs.
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