Procès pour l’assassinat de Thomas Sankara

Procès pour l’assassinat de Thomas Sankara

Après Serge Théophile Balima, Michel Toé et Patrice Nana, le témoignage de Gabriel Tamini a suscité d’intenses débats au tribunal.

L’avocat de la partie civile l’a attaqué, l’a accusé de parjure et a exigé que le procureur l’arrête immédiatement. Revenons à ce témoignage controversé.

Gabriel Tamini, est un journaliste à la radiodiffusion burkinabè, à la retraite et membre de l’Union communiste burkinabè (UCB), une organisation membre du Conseil national de la révolution (CNR), il était à la barre Mercredi 1er décembre 2021.

« Le 15 octobre 1987, j’étais à mon domicile quand les tirs ont commencé. Je tergiversais entre fuir pour survivre ou rester et prendre le risque d’être pris et tué. Quelques instants après, pendant que j’étais devant ma porte en train de chercher une solution, j’ai vu un véhicule qui venait en trombe et garer devant ma porte. C’était feu Salif Diallo qui était avec un chauffeur », a commencé le témoin. Il a sauté dans la voiture sans hésiter.

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Selon Gabriel Tamini, alors qu’ils roulaient ensemble, il a demandé à Salif Diallo ce qui s’était passé. Ce dernier aurait répondu que Thomas Sankara était mort à cause de la fusillade à la Conférence de l’Entente. Avec cela, ils sont arrivés au domicile de Blaise Compaoré, où se trouvaient également les commandants Jean-Baptiste Lingani et le capitaine Henry Zongo et d’autres soldats.

Gabriel Tamini a annoncé depuis le domicile de Blaise Compaoré qu’il avait été emmené à la radio, où il lirait la déclaration du 15 octobre. Il a déclaré devant le tribunal qu’il n’avait même pas reconnu la déclaration de l’auteur et qu’il regrettait d’avoir fait sa propre voix en la lisant.

Le parquet a porté à la connaissance de Gabriel Tamini divers témoignages affirmant qu’il entretenait de mauvaises relations avec le président Faso. En particulier, on rapporte que le 15 octobre, quelqu’un l’a vu tenant une Kalachnikov à la main et a dit : « Votre petit Sankara là, il est mort couché là-bas comme un chien ».

Au tribunal, Gabriel Tamini n’a pas reconnu les faits. Une chose qu’il a admise est qu’après une réunion le 4 juillet 1987, Thomas Sankara a refusé de l’accueillir. Il a également témoigné qu’il avait été suspendu deux à trois semaines avant l’incident du 15 octobre.

Sur la base de ces preuves, le procureur lui a demandé pourquoi il n’avait pas tenté de s’enfuir avec joie lorsqu’il a appris le décès de celui qui l’avait suspendu (le président Sankara). Gabriel Tamini a répondu qu’il était ébloui par l’inquiétude.

Après son témoignage, l’avocat de la partie civile a accusé Gabriel Tamini de « faux témoignage » et a exigé que le tribunal l’arrête immédiatement. Pour ces avocats qui sont également soutenus par l’autorité judiciaire nationale, le témoignage de Gabriel Tamini est faux.

Puisqu’il a confirmé qu’il avait été reçu chez Blaise Compaoré, tout s’arrange. a accueilli tout le monde. Les avocats ont fait leur demande en vertu de l’article 120 du code militaire qui stipule :

« Au cours des débats, lorsque la déclaration d’un témoin paraît fausse, le président peut, sur réquisition du commissaire du gouvernement ou d’office faire procéder à son arrestation sur-le-champ. Le greffier en dresse procès-verbal adressé au procureur du Faso du ressort du tribunal militaire ».

Cependant, la demande n’a pas abouti. L’accusation, quant à elle, se fonde sur l’article 342 du code militaire, selon laquelle Gabriel Tamini ne peut être à nouveau poursuivi de sa qualité de témoin.

Il convient de noter que Gabriel Tamini a été initialement inculpé dans l’assassinat de Thomas Sankara pour « attentat » et « complicité d’assassinat ». Il a ensuite été condamné à la réclusion à perpétuité en 2015.

Cependant, le 21 avril 2021, toutes les charges retenues contre lui ont été abandonnées, il a été libéré, puis convoqué comme témoin dans ce procès.

« Nous sommes totalement déçus parce que nous notons tout simplement que le tribunal, ici, a fait sans doute un jugement humanitaire, n’ayant pas voulu arrêter tout simplement le témoin dont il paraît évident qu’il a menti dans son témoignage », s’est indigné Me Guy Hervé Kam, avant de justifier la requête de mise en arrestation de Gabriel Tamini portée devant la cour :

« Depuis le début de cette audience, plusieurs témoins viennent, prêtent serment et violent allègrement leur serment en refusant simplement de dire toute la vérité. Il fallait que ça s’arrête et je pense que désormais, lorsque nous allons noter en tout cas que des témoignages paraissent faux, nous allons faire la demande, si le tribunal veut, il continuera à refuser, mais nous, notre attachement à la justice nous conduira toujours à faire cette demande ».

Suivie par Germaine Pitroipa de l’Union pour la renaissance, Mouvement patriotique sankariste (UNIR-MPS), s’interrogeant :

« Comment peut-il (Gabriel Tamini) expliquer que lui, en tant que journaliste, qu’on a suspendu quelques jours avant le coup d’État, soit le même qu’on court chercher pour une déclaration ? Comment feu Salif Diallo connaissait-il chez lui ? Pourquoi ne s’est-il pas sauvé quand il a vu le véhicule qui venait chez lui en trombe ? Parce que rien ne dit que c’était Salif Diallo, à plus forte raison que le véhicule venait pour le chercher ? »