Arm s’apprête à chambouler les marchés financiers, au ralenti depuis des mois. Qui est cette entreprise made in England, dont la technologie équipe une grande partie des appareils électroniques présents …
Arm s’apprête à chambouler les marchés financiers, au ralenti depuis des mois. Qui est cette entreprise made in England, dont la technologie équipe une grande partie des appareils électroniques présents dans notre quotidien ?
Un modèle économique unique
Ce fleuron britannique a vu le jour en 1990 sous la forme d’une coentreprise entre Acorn Computers, Apple et VLSI Technology. Ses ingénieurs sont à l’origine de la puce RISC, dont le design simplifié a révolutionné l’industrie de l’époque.
Alors que le marché du smartphone était en pleine éclosion, la société signe un partenariat avec Nokia qui lui permet de façonner le modèle économique qu’on lui connaît aujourd’hui. Arm conçoit les circuits qui entrent dans la composition des puces – leur architecture – mais ne les fabrique pas. Elle les vend sous forme de propriété intellectuelle aux constructeurs qui peuvent ensuite les adapter à leurs besoins. De cette manière, l’entreprise se consacre à la conception et à l’innovation, tout en laissant la fabrication à d’autres.
L’omniprésence d’Arm
Son architecture, peu énergivore, est parfaitement adaptée aux mobiles, à tel point qu’Arm a progressivement évincé Intel du marché. Aujourd’hui, son savoir-faire est présent dans 99 % des smartphones en circulation.
Basée à Cambridge, Arm compte environ 6 000 employés, dont 80 % d’ingénieurs. En plus des smartphones, son architecture se trouve dans 40 % des voitures et deux tiers des objets connectés. La société estime que « 70 % de la population mondiale utilise un produit basé sur la technologie Arm ». Par exemple, Amazon Web Services exploite sa technologie dans la moitié de ses serveurs.
« La part de marché d’Arm est tellement dominante qu’elle est en quelque sorte « le marché ». Elle s’est très bien comportée dans de nombreux cas d’utilisation, en particulier pour les smartphones » », commente Nick Einhorn, directeur de la recherche chez la banque d’investissement Renaissance Capital. Arm souhaite également conquérir le marché des PC, pour l’heure largement dominé par Intel.
De Londres à New York
En 1998, Arm est introduite à la Bourse de Londres, où elle restera cotée pendant 18 ans avant que SoftBank ne décide d’en faire l’acquisition. Souhaitant renforcer son expertise dans le domaine des semi-conducteurs, le conglomérat japonais débourse 32 milliards de dollars pour mettre la main sur le concepteur britannique. Empêtré dans des difficultés économiques, il pensait réaliser une bonne affaire lorsqu’en 2020 Nvidia lui fait part de son intention de racheter Arm pour 40 milliards de dollars.
La proximité des marchés sur lesquels opèrent les deux firmes et le risque que cela représenterait pour la concurrence, aura raison de l’opération. Après de longs mois d’études du projet, les régulateurs bloquent l’opération. SoftBank s’oriente alors vers une entrée en Bourse. Une décision qui mène à une nouvelle bataille au cours de laquelle le gouvernement britannique tente de ramener son fleuron à la maison. Le groupe japonais préférera finalement New York et son Nasdaq à la City de Londres.
Intel, Nvidia, AMD, Apple, Samsung… Qu’elles rivalisent ou collaborent avec Arm, chacune de ces entreprises investit dans la société pour son introduction au Nasdaq. Ces intérêts témoignent de l’importance de son rôle dans l’industrie ; détenir un pouvoir décisionnel dans la direction d’Arm reste un enjeu stratégique.
Quelques ombres au tableau
L’entrée en Bourse de cet acteur omniprésent du secteur technologique ne va pas sans risque. Affecté par un marché du smartphone difficile, qui ne cesse de dégringoler, le concepteur a vu son chiffre d’affaires baisser d’environ 2,5 % au cours du deuxième trimestre, pour atteindre 675 millions de dollars. Arm doit aussi faire face à la concurrence. D’une part, de nouveaux entrants sur le marché misent sur la norme open-source à haute performance RISC-V et d’une autre, certains géants des semi-conducteurs comme AMD ou Nvidia intègrent leurs propres circuits dans les puces, rivalisant avec ceux d’Arm.
Afin de ne pas dépendre d’un seul secteur, l’entreprise travaille pour élargir ses solutions en misant notamment sur les serveurs. Une stratégie loin d’être anodine, alors que le secteur technologique est chamboulé par le boom de l’intelligence artificielle (IA). La demande en processeurs est vouée à affluer.
Le conflit entre Arm et sa branche chinoise peut également être un frein à l’avenir de la société. Depuis mars 2022, Arm a suspendu toutes les licences de fabrication de puces accordées à Arm China, invoquant des inquiétudes quant au respect des conditions de la vente par l’entreprise. Arm China a nié tout acte répréhensible et intenté une action en justice contre sa filiale aux États-Unis… Pour l’heure, la situation est en suspens.
Cette position est d’autant plus préoccupante dans le contexte géopolitique actuel. Les semi-conducteurs sont, plus que jamais, considérés comme un enjeu stratégique par les grandes puissances mondiales, allant jusqu’à accentuer les tensions entre les États-Unis et la Chine.
0 commentaires