Mêler sciences cognitives et intelligence artificielle (IA) pour lutter contre le décrochage scolaire, c’est le pari d’EvidenceB. Fondée en 2017, cette EdTech française développe des modules adaptatifs en mathématiques et …
Mêler sciences cognitives et intelligence artificielle (IA) pour lutter contre le décrochage scolaire, c’est le pari d’EvidenceB. Fondée en 2017, cette EdTech française développe des modules adaptatifs en mathématiques et en langues qui personnalisent l’apprentissage des élèves en fonction de leurs besoins.
Le décrochage scolaire en nette augmentation
Les fondateurs d’EvidenceB sont partis d’un constat : le pourcentage de décrocheurs scolaires est croissant depuis plusieurs années. Selon une étude du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) réalisée à l’échelle globale, 75 % des élèves de 15 ans considèrent que deux cinquièmes est plus grand qu’un demi. De tels résultats ont également été obtenus en Finlande et à Singapour, des pays pourtant champions dans le domaine de l’éducation.
« Ce n’est pas simplement une question de système éducatif, ce sont des problèmes cognitifs, » commente Thierry de Vulpillières. Les conditions socio-économiques viennent aussi assombrir les perspectives de réussite d’un nombre grandissant d’élèves. En France, « vous réussissez en fonction de là où vous êtes nés et de plus en plus ».
L’entreprise souhaite résoudre ce problème en se basant sur le concept anglo-saxon de l’éducation fondée sur des preuves, dont elle tire son nom, l’Evidence Based Education. Ses solutions, présentées sous forme d’interfaces numériques, s’appuient sur deux piliers. D’une part, les sciences cognitives pour identifier les points faibles de l’élève et les dysfonctionnements menant à des décrochages. « Cela fait 3 000 ans ou voire 5 000 ans que l’on enseigne, mais cela ne fait que 30 ans que l’on commence à comprendre comment le cerveau fonctionne, » note Thierry de Vulpillières. Les modules et les questions de l’entreprise sont justement mis au point par des chercheurs qui mettent ces nouvelles connaissances en pratique.
D’autre part, la firme se base sur un dispositif appelé Intelligent Tutoring System (ITS). Basé sur l’IA, il personnalise l’expérience d’apprentissage en adaptant les questions au niveau de l’élève. Pendant un module, « la navigation d’exercice en exercice, de notion en notion, est faite par l’intelligence artificielle ». EvidenceB exploite six algorithmes pour offrir la personnalisation la plus aboutie. L’idée est d’offrir à chacun des exercices permettant de débloquer la compréhension d’une notion. Là où le manuel scolaire est limité par le nombre de pages, l’intelligence artificielle se caractérise par « une inlassable capacité à répondre à l’élève ».
Des solutions déjà déployées en France
Thierry de Vulpillières, qui a passé 13 ans chez Microsoft en tant que directeur des partenariats éducatifs, insiste : les modules de son entreprise n’ont pas vocation à remplacer les professeurs, mais plutôt à alléger leur travail. Il cite notamment un sondage IPSOS, qui conclut que la mission la moins appréciée des enseignants est la correction des copies, une tâche lourde et chronophage.
« Ce qu’amènent l’ITS et l’adaptive learning, c’est le fait que chaque exercice va être corrigé par l’outil et va générer l’exercice suivant, » décrit-il. Le professeur, de son côté, suit l’évolution de son élève à travers un tableau de bord, ce qui lui permet d’observer sur quels éléments il bloque. De plus, les modules sont pensés pour permettre à l’élève de surmonter une difficulté. « Dans chaque type de difficulté, on a 15 à 20 exercices à peu près de même nature, » détaille le PDG.
Comptant environ une quarantaine de collaborateurs, EvidenceB n’hésite pas à afficher de grandes ambitions. La start-up cible les systèmes éducatifs du monde entier. Pour cela, elle s’associe à divers intermédiaires, « soit on vend à travers des partenaires, des éditeurs scolaires, soit directement au gouvernement. Et c’est vrai qu’on s’adosse souvent à des gros acteurs, » confie-t-il.
La solution d’EvidenceB pour les mathématiques, AdaptiveMath, est déjà déployée dans toutes les écoles primaires françaises. À partir de novembre, une application proposant 20 000 exercices, fruit d’une collaboration entre la start-up et Docaposte, sera également lancée dans l’ensemble des lycées français à destination des élèves de seconde. En 2022 elle levait 4 millions d’euros pour accélérer sa croissance à l’international.
L’importance d’un secteur de l’EdTech national florissant
Si l’arrivée d’outils technologiques du secteur privé dans les salles de classe peut soulever des interrogations sur le risque de privatisation de l’Éducation nationale, Thierry de Vulpillières rappelle que le privé est déjà partout, « vous avez les chaises, les tables, les bâtiments, la masse entière de ressources sont fournies par des entreprises privées ».
De même, les manuels scolaires sont aussi conçus par des entreprises, tout en se conformant aux programmes mis en place par le système éducatif national, chargé de les valider. La logique est similaire avec les modules d’EvidenceB. Pour le PDG, il est préférable que les solutions EdTech proviennent du secteur privé français, plutôt que de sociétés américaines ou chinoises comme Baidu. Leurs solutions gratuites risquent d’inonder le marché, au détriment d’acteurs locaux.
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