Le 18 avril la Commission europĂ©enne a fiĂšrement annoncĂ© un accord politique Ă propos de la future lĂ©gislation europĂ©enne sur les semi-conducteurs : lâEU Chips Act. Une nouvelle dont sâest …
Le 18 avril la Commission europĂ©enne a fiĂšrement annoncĂ© un accord politique Ă propos de la future lĂ©gislation europĂ©enne sur les semi-conducteurs : lâEU Chips Act. Une nouvelle dont sâest immĂ©diatement « rĂ©jouit » lâESIA, lâEuropean Electronic Semiconductor Industry Association, la principale organisation reprĂ©sentative de lâindustrie. Depuis la pandĂ©mie de Covid-19 toutes les rĂ©gions du monde ayant un pied dans le secteur adoptent ou sont en train dâadopter leurs propres « Chips Act ». DiffĂ©rentes mesures, visant Ă soutenir ou attirer des entreprises de semi-conducteurs sur son sol. Pour faire face Ă cette concurrence impitoyable et rĂ©pondre au renouveau de la notion de souverainetĂ© technologique, lâUnion europĂ©enne sâest dĂ©cidĂ©e Ă agir.
Cet article est le 3e volet dâun dossier en quatre parties consacrĂ©es aux semi-conducteurs.
Une industrie historiquement avide de subventions
Les entreprises de semi-conducteurs, industrie stratĂ©gique sâil en est, ont, depuis lâorigine des annĂ©es 50, bĂ©nĂ©ficiĂ© du soutien des Ătats sous diverses formes.
Naturellement, câest en premier lieu aux Ătats-Unis que cette relation sâest manifestĂ©e. Câest le programme Apollo qui a empli les premiers carnets de commandes de lâun des pionniers, Fairchild Semiconductor. Dans les annĂ©es 70, au Japon, Tokyo a financĂ© un projet « Very Large Scale Integrated » pour innover dans les semi-conducteurs. AidĂ©es par des mesures protectionnistes et des commandes publiques, les groupes japonais ont surpassĂ© leurs rivaux amĂ©ricains dans le domaine des puces mĂ©moires. Une position Ă son tour ravie par la CorĂ©e du Sud oĂč il existe depuis 1966 un Institut des sciences et technologies spĂ©cialisĂ©es dans le secteur. Câest une entreprise, initialement de nĂ©goce de produits alimentaires, Samsung, qui va bĂ©nĂ©ficier du soutien pĂ©cuniaire de SĂ©oul pour se lancer. Ă TaĂŻwan, câest un homme politique illustre, Li Kwoh-ting, qui va inciter un ex-haut cadre de Texas Instrument, Morris Chang, Ă prendre la tĂȘte de lâInstitut de recherche en technologie en 1985. Deux ans plus tard, il va fonder une start-up, avec une participation dâĂtat de 48 %, la TaĂŻwan Semiconductor Manufacturing Corp (TSMC). Bien sĂ»r, lâEurope nâest pas en reste. La France et lâItalie disposent encore aujourdâhui dâun peu moins de 30 % du capital de STMicroelectronics, lâun des principaux acteurs du semi-conducteur du Vieux Continent. Certaines des racines du groupe remontent jusquâau Laboratoire dâĂlectronique et de Technologies de lâInformation, un institut de recherche du CEA (CEA-Leti), crĂ©Ă© Ă Grenoble en 1967.
Ces efforts, massifs, sâexpliquent par la centralitĂ© de ces composants, le cĆur du monde numĂ©rique. Ils sont aujourdâhui partout, des smartphones aux rĂ©frigĂ©rateurs en passant par les vĂ©hicules. Les entreprises, pour se maintenir Ă lâĂ©tat de lâart, doivent dĂ©penser des sommes faramineuses en recherche et dĂ©veloppement ainsi quâen capacitĂ© de production. Le soutien des gouvernements pour la R&D ou la production semble incontournable.
Lâinvestissement historique des Ătats au sein de lâindustrie des semi-conducteurs nâa donc jamais cessĂ©, mĂȘme avant lâamoncellement de Chips Act Ă travers le monde. Selon un rapport de lâOCDE de 2019, les 21 sociĂ©tĂ©s Ă©tudiĂ©es, les plus importantes, ont profitĂ© entre 2014 et 2018 dâau moins 50 milliards de dollars dâaides par divers canaux. Au cours de cette pĂ©riode, la Chine sâest notamment illustrĂ©e au travers de la crĂ©ation en 2014 du « China Integrated Circuit Industry Fund », un fonds dotĂ© Ă sa naissance de 23 milliards de dollars et au surnom Ă©loquent « Big Fund ». Au sein de lâUE, le mĂ©canisme de Projet important dâintĂ©rĂȘt europĂ©en commun (PIIEC), pensĂ© pour promouvoir la recherche, lâinnovation dans des secteurs industriels stratĂ©giques, a Ă©tĂ© activĂ© pour la premiĂšre fois en 2018, justement dans le domaine de la microĂ©lectronique. Un deuxiĂšme PEIIC vient dâĂȘtre confirmĂ© par le Commission europĂ©enne, ce 8 juin. 22 milliards de dollars, dont 8,1 venant de Bruxelles, vont financer 68 projets, de 56 entreprises, venant de 19 Ătats membres, pour consolider la chaĂźne dâapprovisionnement europĂ©enne.
La donne a Ă©tĂ© chamboulĂ©e par un Ă©vĂ©nement que personne ne pouvait anticiper : la pandĂ©mie de Covid-19. La chaĂźne dâapprovisionnement des semi-conducteurs sâen est vue malmenĂ©e de diverses façons, aboutissant Ă une pĂ©nurie mondiale fin 2020. Ă cela sâest associĂ©e une rivalitĂ© sino-amĂ©ricaine oĂč les puces se sont retrouvĂ©es au cĆur de la tempĂȘte. Ces chocs ont frappĂ© nombre de gouvernements, notamment en France. Paris a adoptĂ© le plan France 2030 en octobre 2021, pour rattraper le retard du pays dans certains secteurs stratĂ©giques. Carole Vachet, sous-directrice du Spatial, de lâĂlectronique et du Logiciel Ă la Direction gĂ©nĂ©rale des entreprises (DGE), rattachĂ©e au ministĂšre de lâĂconomie et des Finances, a rappelĂ© Ă SiĂšcle Digital que Paris dĂ©ploie des plans de soutiens Ă la microĂ©lectronique, les plans nano, depuis au moins 2007. Cependant le volet Ă©lectronique de France 2030 reprĂ©sente 5 milliards dâeuros, contre environ 100 millions dâeuros pour le premier plan nano, il y a plus de 15 ans, « câest liĂ© Ă la trĂšs forte concurrence internationale et aussi Ă la prise de conscience de la nĂ©cessitĂ© de renforcer notre autonomie stratĂ©gique sur ces sujets-là » confirme Carole Vachet. La future unitĂ© de fabrication de semi-conducteurs de GlobalFoundries et STMicroelectronics, Ă Crolles, en IsĂšre, va notamment bĂ©nĂ©ficier de 2,9 milliards dâeuros de subventions a officialisĂ© Bruno Le Maire, le 5 juin.
Cette idĂ©e, dâune « prise de conscience » du personnel politique revient systĂ©matiquement dans la bouche des interlocuteurs de SiĂšcle Digital.
Elle a amenĂ© la prĂ©sidente de la Commission europĂ©enne, Ursula von der Leyen, a annoncĂ© lors de son discours sur lâĂtat de lâUnion de 2021, en septembre de la mĂȘme annĂ©e, le futur Chips Act. Ă la tribune, elle proclamait, « il ne sâagit donc pas seulement de notre compĂ©titivitĂ©. Lâenjeu est aussi notre souverainetĂ© technologique ». ProblĂšme, elle nâest pas la seule Ă avoir eu cette idĂ©eâŠ
Amérique, Asie, Europe, les Chips Act sont partout
En juin 2021, le Japon a dĂ©voilĂ© une stratĂ©gie nationale sur les semi-conducteurs, rĂ©guliĂšrement enrichie depuis, notamment avec le projet Rapidus, visant Ă dĂ©velopper des puces avancĂ©es avec le concours des entreprises locales. En janvier 2023, TaĂŻwan a adoptĂ© un amendement dâune loi sur lâinnovation industrielle, avec des allĂ©gements fiscaux pour la R&D dans le domaine. MĂȘme dĂ©marche du cĂŽtĂ© de la CorĂ©e du Sud, oĂč le Korean Chips Act, votĂ© fin mars, est en fait la rĂ©vision dâune loi permettant aux gĂ©ants des semi-conducteurs locaux de bĂ©nĂ©ficier dâallĂ©gements fiscaux, associĂ©s Ă des subventions promises prĂ©cĂ©demment. Aux Ătats-Unis, le Chips and Science Act, adoptĂ© en aoĂ»t 2022, prĂ©voit une enveloppe globale de 52 milliards de dollars Ă lâindustrie, dont 38 milliards pour la production.
Chacun sâest dotĂ© dâun plan rĂ©pondant Ă ses ambitions. Le Japon espĂšre rĂ©cupĂ©rer la place dans la chaĂźne de valeur que le pays occupait dans les annĂ©es 80. Les Ătats-Unis veulent relocaliser une activitĂ© industrielle largement exilĂ©e en Asie. Ils y ont adjoint des clauses pour limiter les investissements des entreprises candidates en Chine. TaĂŻwan et la CorĂ©e du Sud souhaitent conserver leur leadership, en sâassurant de ne pas perdre en compĂ©titivitĂ© face Ă la concurrence internationale.
Tous les textes ou presque ont comme point commun de contenir une clause contraignant les bénéficiaires à réserver la production de leurs usines aux pays hÎte en cas de nouvelle pénurie.
Câest aussi le cas de lâEU Chips Act. Le chapitre IV de la premiĂšre version proposĂ©e par la Commission en fĂ©vrier 2022, est consacrĂ© aux modalitĂ©s pour imposer des commandes prioritaires aux entreprises. Il ne devrait pas significativement Ă©voluer. Câest un sujet sur lequel lâESIA appelle Ă la prudence « lâindustrie europĂ©enne des semi-conducteurs sâattend Ă ce que les pouvoirs dâintervention sur le marchĂ© ne soient exercĂ©s quâavec la plus grande prudence afin de prĂ©server un climat dâinvestissement attrayant dans lâUE ». Pascal Viaud, directeur gĂ©nĂ©ral de la sociĂ©tĂ© de Conseil Ubik, co-prĂ©sident du comitĂ© des semi-conducteurs Ă la chambre de lâindustrie France-TaĂŻwan, dĂ©crypte pour SiĂšcle Digital, « On est sur une thĂ©matique de rĂ©silience : âjâai besoin dâune usine de proximitĂ© que je puisse contrĂŽler, en termes de chaĂźne dâapprovisionnement et Ă©ventuellement, si câest possible, faire du transfert de savoir-faireâ ».
Tous les experts du secteur sâaccordent pour estimer que le marchĂ© va doubler dâici 2030, 2032, pour atteindre 1 000 milliards de dollars. Dans ce contexte, lâEU Chips Act pari dâatteindre 20 % de part du marchĂ© mondial Ă la mĂȘme pĂ©riode. Aujourdâhui lâEurope en reprĂ©sente difficilement 10 % et mĂȘme plutĂŽt 8 Ă 9 %, « ce qui est dit, câest que nous allons devoir faire du x4. Câest agressif. En huit ans, câest Ă©norme » jauge StĂ©phane Martinez, directeur gĂ©nĂ©ral du site de Tours de STMicroelectronics et prĂ©sident de lâACSIEL Alliance Ă©lectronique, syndicat professionnel reprĂ©sentant des acteurs de lâensemble de la chaĂźne de valeur en France. Pour atteindre cet objectif, 43 milliards dâeuros dâinvestissements publics et privĂ©s ont Ă©tĂ© annoncĂ©s au lancement de la proposition, dâici Ă 2040. Il sâagit dâun horizon dâattente. Carole Vachet, de la DGE, Ă©voque un « mĂ©canisme Ă deux Ă©tages » avec des programmes nationaux comme France 2030, « la stratĂ©gie Ă©lectronique française a notamment vocation Ă servir les ambitions du Chips Act. Les deux sont complĂ©mentaires ».
Lâambition, forte, du texte europĂ©en, sâĂ©value Ă lâaune de ceux adoptĂ©s dans le reste du monde. Comme le relĂšve SĂ©bastien DauvĂ©, directeur du CEA-Leti, « lâEU Chips Act est un gros dĂ©fi, parce que lâAsie continue de produire, massivement, TSMC, bien sĂ»r, Samsung, les Japonais sây remettent avec le programme Rapidus, la Chine est active et en forte croissance pour les capacitĂ©s de production. Les Ătats-Unis ont aussi un plan extrĂȘmement ambitieux ». La concurrence va ĂȘtre « rude », souffle-t-il Ă SiĂšcle Digital.
Chez Intel France, oĂč lâon se satisfait, comme dans le reste du secteur, du plan europĂ©en, on note sans dĂ©tour lâenjeu du problĂšme. Lâentreprise a dĂ©jĂ annoncĂ© un plan dâinvestissement de 80 milliards de dollars, encore Ă confirmer. Marie Pinon, directrice des ventes EMEA pour le secteur public, la dĂ©fense et lâaĂ©rospatial dâIntel, signale que si « tout le monde a pris conscience quâil fallait rĂ©partir la production de façon plus Ă©quitable sur les diffĂ©rents territoires », lâAsie a pris de lâavance grĂące Ă de fortes subventions. « Si nous voulons ĂȘtre compĂ©titifs Ă la fois aux Ătats-Unis et en Europe, avoir un accompagnement des gouvernements est absolument essentiel », insiste-t-elle. La raison est simple, « une usine en Europe ou aux Ătats-Unis coĂ»te 30 Ă 40 % plus cher ». Historiquement rĂ©servĂ©e concernant les subventions dâĂtat, Bruxelles nâa plus dâautre choix que de lĂącher bride note StĂ©phane Martinez, « lâindustrie europĂ©enne ne doit pas perdre en compĂ©titivitĂ©s face Ă des acteurs non europĂ©ens subventionnĂ©s ».
Saine compétition pour semi-conducteurs mondialisés
La question de la concurrence internationale, entre les plans dâaide, a Ă©tĂ© au menu du Trade and Technology Council, le sommet rĂ©unissant Ătats-Unis et Union europĂ©enne, du 31 mai. Les puissances des deux bords de lâAtlantique se sont fĂ©licitĂ©es pour leurs projets respectifs. Dans le communiquĂ© final, ils ont Ă©crit que « les investissements dans les semi-conducteurs dans les deux juridictions sont mutuellement bĂ©nĂ©fiques ». MalgrĂ© ces belles paroles, la compĂ©tition sera compliquĂ©e. Partis plus tard, les Ătats-Unis sont dĂ©sormais en avance, avec 204 milliards dâinvestissements divers annoncĂ©s depuis aoĂ»t 2022, deux fois plus quâen 2021. Si des frictions existent, le dĂ©part est canon.
Pour lâEurope, Pascal Viaud, qui travaille Ă la mise en relation entre les entreprises françaises et taĂŻwanaises, il est « important de reconstruire des Ă©cosystĂšmes locaux qui vont pouvoir avancer ». SĂ©bastien DauvĂ©, directeur du CEA-Leti lâaffirme, « plus que jamais lâEurope doit garder une place dans le semi-conducteur ». Pour la Direction gĂ©nĂ©rale des entreprises, sans surprise, câest une satisfaction de voir lâEurope et France 2030 marcher ensemble dans le sens de « lâautonomie stratĂ©gique ».
Attention toutefois Ă ne pas se mĂ©prendre. Il est bien question pour lâEurope dâamĂ©liorer ses capacitĂ©s, mais surtout pas de se couper du reste du monde. « Lâautonomie [ndlr : complĂšte] est utopique dâun point de vue microĂ©lectronique aujourdâhui dans le monde » balaie StĂ©phane Martinez. Du cĂŽtĂ© de la Direction GĂ©nĂ©rale des Entreprises, on rappelle une Ă©vidence de cet Ă©cosystĂšme, « nos entreprises sont internationales et ont vocation Ă servir aussi dâautres marchĂ©s que les marchĂ©s français et europĂ©ens ». LâEU Chips Act, qui pourrait entrer en vigueur Ă la fin de lâĂ©tĂ©, a aussi vocation Ă attirer des entreprises dâorigines Ă©trangĂšres comme Intel et GlobalFoundries et leur savoir-faire. Les entreprises europĂ©ennes ont aussi Ă cĆur de sâexporter, Ă lâimage de la co-entreprise rĂ©cente entre STMicroelectronics et le chinois Sanan Optoelectronics. Vouloir faire cavalier seul nâest pas rĂ©aliste ni souhaitable.
Pour parvenir Ă disposer sur le Vieux Continent dâun Ă©cosystĂšme suffisamment robuste afin de faire face Ă dâĂ©ventuelles crises, et grappiller dâimportantes parts du marchĂ© mondial, ce qui compte, câest de capitaliser sur ses forces. Et il y en a, heureusement.
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